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Nelly Fimote

conte

Nelly Fimote écrit un conte

3 Octobre 2020 , Rédigé par Nelly Fimote Publié dans #Conte

Un conte d’autrefois

Il était une fois un tout petit Royaume, pas si lointain que ça… La guerre menaçait le pays. La Reine voulait sauver son peuple de la misère et la famine, coûte que coûte. Autour d'elle, la cour mettait tout en œuvre pour la satisfaire car, qui plaisait à la Reine, obtenait toute sa gratitude. Le temps des joutes et des fêtes n'avait plus cours, tant le destin du peuple était incertain.

 

Une courtisane regrettait particulièrement l'époque où elle écoutait chanter le ménestrel. Celui-ci avait fui la cour pour travailler la terre au pied du château. Ému par la misère de ses frères de sang, il avait perdu sa belle voix et les avait rejoints. Dépossédée et jalouse, la courtisane maudissait l'humble serviteur car il lui avait bel et bien échappé. Elle pensait tout contrôler et n'avait de cesse de lui lancer des méchancetés du haut de sa tour. 

- Reviens chanter pour moi, cancrelat ! Si tu ne remontes pas auprès de moi, je maudirai tes frères jusqu'à la nuit des temps ! Je les traînerai dans la boue puis les enverrai au front ! Ils ne seront que chair à canon ! Sache que je détiens le pouvoir car je suis bien meilleure que vous. Je plais à la Reine, rien ne peut m'atteindre.

Le ménestrel ne répondait pas et continuait son labeur. Ses frères l'entouraient d'amour, ne craignant rien de la courtisane. Ils avaient confiance, jamais leur Souveraine ne permettrait une telle vilénie. Ils avaient tort car ils ne savaient pas que la courtisane était dotée de pouvoirs magiques. Elle avait jeté un sort à la Reine et à la cour. La Souveraine n'entendait pas la nature des mots lancés aux serviteurs. Tous les mots prononcés par la courtisane n'étaient qu'éloges à ses oreilles. 

Dans "reviens chanter pour moi cancrelat", elle entendait, "c'est bien, ce que tu fais là". Et la suite se transformait ainsi "si tu restes là, tes frères te seront reconnaissants jusqu'à la nuit des temps. Mettez du houx sur votre front, ainsi personne ne partira à la guerre. La Reine détient le pouvoir, nous vivrons des jours meilleurs. Vous plaisez à la Reine, rien ne peut vous atteindre". 

Ni la Reine ni le reste de la cour ne pouvaient agir. La maléfique les avait tous ensorcelés. Se croyant invincible, la courtisane, qui n'était en fait qu'une sorcière, avait oublié que les enfants étaient insensibles à son charme. La cour ne comptait aucun enfant. La Reine n'en avait pas et pour ne pas la froisser, aucun membre de la cour n’avait enfanté. À aucun moment le château n'avait connu le moindre rire d'enfant.

 

      Seule la cuisinière du château avait eu la joie d’enfanter. La malheureuse femme avait été contrainte de cacher son fils. Celui-ci avait maintenant sept ans. Depuis sa naissance, il se terrait dans les étages inférieurs du château. De sa cachette, il entendait toute la violence des mots de la courtisane et comprenait que les serviteurs n'avaient pas à subir de telles méchancetés. Mais que pouvait-il faire? Qui était-il, lui, l'enfant caché depuis son plus jeune âge, l'enfant de la cuisinière ?

Une nuit, n’écoutant que son courage, l'enfant décida de sortir de sa geôle. Au risque de subir le mauvais sort de la sorcière, il traversa le château, pénétra dans la chambre de la Reine et lui susurra ces phrases pendant son sommeil.

 

- Majesté, vous ne me connaissez pas, je ne suis pas sensé exister. Ce que j'entends est triste et destructeur pour le ménestrel, ses frères et tout votre peuple. Votre Royaume est en danger. Il faut vous réveiller et arrêter cela.

À cet instant, et comme toutes les nuits, la Reine rêvait de rires d'enfants. Elle entendit la voix du petit garçon et lui répondit toute endormie.

- Que puis-je faire pour t'entendre rire, chanter et jouer ?

Le petit garçon lui répondit.

- Demandez au ménestrel de chanter à la cour. De sa voix de cristal, il rompra le charme de la sorcière. La joie reviendra au château, le bonheur envahira le Royaume tout entier.

- Je veux bien, répondit la Reine, mais il a perdu sa belle voix.

- Si vous lui demandez, vous, ma Reine, je suis sûr qu'il pourra chanter à nouveau.

Sur ces mots, la Reine se réveilla. Stupéfaite, elle était face un enfant !

 

- Cela existe donc ! Dit-elle. Qui es-tu, d’où viens-tu ?

- Je suis le fils de la cuisinière. Par dévotion pour vous, elle m’a caché. Depuis que je suis né, je vis au sous-sol du château.  Je ne suis rien, mais je sais que votre peuple souffre. Il travaille dur et ne mange pas à sa faim. Il craint une guerre imminente. J’entends une femme qui habite au château qui les insulte et les menace chaque jour.  L'entendez-vous ?

- De quoi me parles-tu ? Il y a bien ma courtisane, mon amie, ma confidente qui leur parle chaque jour, elle les encourage de toutes ses forces.

- Majesté, j’entends les paroles de cette femme. Croyez-moi, elles ne sont pas bienveillantes.

La Reine était calme, elle l’écoutait avec attention. Elle n’avait d’yeux que pour cet enfant, un enfant…

Le petit garçon ne comprenait pas.

 

- Majesté, reprit-il, demandez au ménestrel de chanter à la cour. De sa voix de cristal, il rompra le charme de la sorcière. La joie reviendra au château, le bonheur envahira le Royaume tout entier. 

- Je veux bien essayer mais je ne comprends pas ce que tu veux dire, répondit la Reine.

 

Le Ministre du Royaume fit venir le ménestrel à la cour.

- Ménestrel, la Reine réclame ta présence au château. Sa Majesté souhaite t’entendre chanter.

- Je ne comprends pas, répondit-il, je ne peux plus chanter. Mais, puisque la Reine me le demande, je veux bien essayer une dernière fois.

 

Le ménestrel se rendit au château, escorté de trois gardes. Inquiet, il se demandait ce qu’il adviendrait de sa famille restée aux champs.

- Ménestrel, cela fait bien longtemps que je n’ai pas entendu ta voix, chante pour ta Reine.

- Majesté, ma voix s’est éteinte il y a bien longtemps déjà. Plus aucune mélodie ne sort de ma bouche. Plus aucune note ne sort de mon instrument de musique.

A cet instant, la courtisane prit la main du Ménestrel.

- Chante pour moi, Ménestrel ! Cette Reine n’est qu’une idiote ! Je suis bien supérieure à elle, je domine la cour et le Royaume tout entier ! Bientôt, ce sera le tour de l’état voisin ! Le monde m’appartiendra ! Chante donc, puisque cette incapable te le demande !

Bien évidemment, ensorcelée, la Reine n’entendait pas ces mots et faisait confiance à son amie, la courtisane.

Le ménestrel demanda à boire une gorgée d’eau. Il n’avait pas bu depuis la veille. Il racla sa gorge, puis bût une seconde gorgée. Un son sortit de sa bouche, grave puis aigu, une vocalise indescriptible venue de nulle part, perdue...

 

Le petit garçon qui était caché derrière la traine de la Reine frémissait. Se serait-il trompé ? La Reine sentait l’enfant trembler de peur et de rage. Elle n’avait jamais ressenti de sentiment aussi fort. Un enfant était blotti contre elle, un enfant !

De sa voix la plus douce, la Souveraine reprit.

- Chante ménestrel, ce n’est pas ta Reine qui te le demande, ce n’est pas mon amie la courtisane. C’est ton peuple, il a besoin que tu l’encourages, il travaille si dur dans les champs. Chante pour eux, chante pour nous tous qui sommes meurtris par ces temps malheureux. Chante, nous t’en prions tous. 

 

Le ménestrel demanda à nouveau un verre d’eau, racla sa gorge une seconde fois, reprit son souffle et se mit à chanter. Un filet de notes monta au plafond, puis redescendit, passa de droite à gauche, de gauche à droite. La voix du ménestrel envahissait la pièce, sa tessiture couvrait près de trois, quatre, cinq octaves. On ne l’arrêtait plus. Le verre de cristal posé à côté de lui se brisa de mille éclats.

La cour était enchantée, portée dans un nuage de volupté. C’était magnifique !  

Quand vint la fin du chant, on vit une larme perler sur la joue gauche de la Reine. Emue au plus haut point par cet instant de grâce, elle ne savait que dire.

 

Sentant qu’il se passait quelque chose, la courtisane prit la parole.

 

- Vermine, je savais que tu pouvais chanter ! Pourquoi ne l’as-tu pas fait lorsque je te le demandais ? Je t’avais pourtant menacé, toi et tes frères. Maintenant, cette abrutie de Reine te le demande et tu chantes. Je te maudis, toi et les tiens !

- Il suffit !!!  S'écria la Reine. J'entends tes mots, courtisane. Personne ne traite ainsi sa Souveraine, personne ne menace ses sujets, personne, personne !

 

Le charme était rompu, la Reine et sa cour avaient tous entendu les véritables paroles de la courtisane.

- Hors de ma vue ! Gardes ! Emmenez cette femme sur le champ dans les contrées lointaines, là où ses nuits se confondront avec ses jours, ses ennemis avec ses amis, sa vie avec sa mort. Qu’elle y reste jusqu’à la fin des temps !

Sans plus tarder, les gardes ligotèrent la courtisane, l’emmenèrent dans un endroit si lointain que l’on n’entendit plus jamais parler d’elle.

 

 

Le départ de la sorcière amena rires et joies dans tout le Royaume. Les récoltes furent meilleures, la menace de guerre s’éloigna. La Reine reçut tous les enfants du peuple au château, s’imprégna de leurs rires et de leurs chants.

Tout n’était que bonheur.

 

Le prince d’un Royaume voisin entendit parler de cette histoire. Il demanda à rencontrer cette Reine tant adorée par ses sujets. Lorsqu’il la vit, il tomba sous le charme de ses traits et de sa bonté.

Quelques mois plus tard, leur mariage fut célébré dans la chapelle du château. Leur union donna naissance à deux superbes enfants.

Le fils de la cuisinière fut nommé premier Page du Royaume. Il y ferait son éducation et deviendrait écuyer puis grand chevalier.

Quant au ménestrel, il fit sa révérence à la cour. L’histoire ne dit pas ce qu’il est devenu. La justesse et la puissance de son chant ne furent jamais égalées.

 

Fin

Nelly Fimote

 

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